
MUSIQUE
"Si j'aime la Musique ? répéta
doucement le docteur. Il y a musique et musique. Votre question
est péniblement vague. Vous pourriez aussi bien me
demander : aimez-vous les gens ?"
("Sylvie etBruno")
Le kiosque à musique, situé sur le front de mer,
comptait parmi les divertissements d'une journée de plage.
Lewis CARROLL, qui passait régulièrement ses
vacances à Eastbourne, y assista probablement à de
nombreux concerts.
"Il aimait vraiment la musique. A Eastbourne, il passait
plus d'un après-midi au Devonshire Park Concert Hall,
à écouter de splendides concerts. Parfois ils
étaient si classiques' que, je dois l'avouer, je
m'ennuyais un peu."
(Isa Bowman)
Dans son journal, CARROLL n'hésitait pas à
souligner la beauté d'une voix, la qualité d'une
interprétation mais il savait aussi se changer en critique
impitoyable comme nous le montre cet extrait de "Sylvie et
Bruno" :
 |
Dessin réalisé par Charles DODGSON, enfant. |
"C'était une des pianiste que la
société nomme brillante', et elle se lança
dans la plus charmante des symphonies de Haydn dans un style qui
révélait de longues années de patientes
études sous la direction des meilleurs professeurs. Au
début cela paraissait la perfection, mais au bout de
quelques minutes, je me demandais avec lassitude: Qu'est-ce qui
manque ? Pourquoi est-ce que je n'éprouve pas plus de
plaisir ?'
Je me mis alors à écouter intensément
chaque note, et le mystère s'éclaircit. Il y avait
là une correction mécanique presque parfaite, mais
il n'y avait rien d'autre ! Jamais une fausse note, bien
sûr, elle connaissait trop bien le morceau ; mais il y
avait juste assez d'irrégularité dans la mesure pour
montrer que l'exécutante n'avait pas vraiment
"l'oreille musicienne", juste assez d'inarticulation
dans les passages les plus élaborés pour
révéler qu'elle ne trouvait pas son auditoire digne
qu'on se donnât vraiment la peine, juste assez de monotonie
dans la mélodie pour retirer toute âme aux divines
modulations qu'elle profanait ; bref c'était tous
simplement irritant. Et quand elle eut expédié le
final et plaqué le dernier accord comme si, l'affaire
étant faite, peu importait le nombre de cordes
brisées, je ne pus même faire semblant de me joindre
aux remerciements convenus qui s'élevèrent autour de
moi...
...il faudrait un désert. J'y ferais jouer de la
musique. Toutes les jeunes femmes qui n'ont pas le sens musical,
mais veulent à tout prix l'acquérir, seraient
conduites, tous les matins, à deux ou trois
kilomètres à l'intérieur du désert.
Elles y trouveraient une pièce confortable, avec un piano
d'occasion bon marché sur lequel elles pourraient jouer des
heures durant, sans ajouter d'affres inutiles à la
misère humaine !"
De passage à Paris en 1867, CARROLL raconte dans son
journal sa visite de l'Exposition universelle :
"Nous nous sommes promenés à
l'extérieur des bâtiments et nous sommes
passés à côté d'un pavillon où
l'on donnait de la musique chinoise, et j'ai payé un demi-
franc pour entrer l'écouter de plus près :
à coup sûr, la différence entre
l'extérieur et l'intérieur valait bien un demi-
franc, mais à l'avantage très net de
l'extérieur. C'est très précisément le
genre de musique qu'on souhaite ne plus jamais entendre, quand on
l'a entendue une fois... Nous nous sommes rattrapés le soir
en allant à l'Opéra-Comique écouter
"Mignon" : très joli spectacle, charmant du
point de vue musical et lyrique."
De retour d'une autre exposition à Londres en 1890, il
note.
"Je suis allé à l'exposition où se
trouve le Phonographe d'Edison'. C'est à coup sûr
une invention merveilleuse. Entendue dans le pavillon, la musique
(particulièrement la trompette) était plate :
la voix chantée ou parlée était meilleure
quoiqu'un peu indistincte."
"Suis retourné voir le Phonographe' pour
écouter, à la fin de la conférence, la partie
réservée à un public restreint'. Quand on
écoute dans un tube dont on porte l'embouchure à son
oreille, l'audition est bien meilleure et beaucoup plus distincte.
Quel dommage que nous n'ayons pas avancé de 50 ans dans
l'histoire du monde pour voir cette invention merveilleuse sous sa
forme achevée. Elle fait pour l'instant ses premiers pas.
C'est la nouvelle merveille du jour, exactement comme la
Photographie l'était vers 1850."
12 Mars 1857 : "J'ai essayé l'autre soir de
composer un poème qui imiterait les effets de la musique,
mais sans grand succès. J'ai rédigé
aujourd'hui une partie du texte dont je comptais faire une note
d'explication : ce sera une partie d'un essai que je compte
intituler La Musique des Mots'."
Aucun de ces écrits n'a malheureusement
survécu.
De nombreux passages de "Sylvie et Bruno" ainsi que
les indications de réponses et répartitions de chœur
contenues dans les chansons d'"Alice",
révèlent chez leur auteur, un sens certain de
l'orchestration :
"Bruno fit courir sa main une ou deux fois sur les
fleurs, comme un musicien essayant un instrument, ce qui produisit
un délicieux et délicat tintinnabulement. Je n'avais
jamais entendu de musique florale auparavant - je crois que c'est
impossible, à moins d'être dans l'état
féeristique - et je ne sais guère comment vous en
donner une idée sauf en disant que cela ressemble à
un son de cloches dans le lointain. Quand il estima que les fleurs
étaient bien accordées, il s'assit sur la souris
morte, et, me faisant un joyeux clin d'œil, il commença. A
propos, l'air en est assez curieux, si vous voulez t'essayer,
voici les notes :
Selon toute vraisemblance, il s'agit d'un air
entièrement composé par Lewis CARROLL. Il est
présenté ici tel qu'il apparut pour la
première fois dans "Aunt Judy's Magazine" en
1867, c'est à dire sans les nombreuses erreurs de notes que
l'on retrouve dans toutes les éditions de "Sylvie et
Bruno".
La seule autre partition que l'on trouve dans les livres de
CARROLL est située au Dixième Nœud' de "A
Tangled Tale". Ce refrain, chanté par le marchand de
petits pains, semble bien, lui aussi, avoir été
composé par CARROLL, à moins qu'il ne soit
emprunté à une vieille ritournelle citée en
tête de chapitre "Yea, buns, and buns, and
buns!"
L'attirance de CARROLL pour la musique légère et
les chansons populaires n'était pas uniquement
dictée par son besoin de communiquer avec les enfants comme
le montre cet étonnant passage de son journal :
"II y a un plaisir particulier à écouter
de la musique que j'appellerais médiocre' ;plaisir
produit à mon avis par le fait que nous nous sentons pas
requis d'en tirer tout le plaisir possible : nous pouvons
prendre les choses comme elles viennent. En écoutant de
l'excellente musique, on ne peut se défaire d'un sentiment
de peur et d'effort, effort pour en tirer tout le plaisir
possible, peur de gâcher cette occasion : je crois
vraiment que nous ne pouvons éprouver nos plus grands
plaisirs sans une sensation de douleur, car nous savons que leur
terme est proche."
Une de ses amies-enfants raconte qu'un jour ils rendirent
visite à Mr SAUL de Magdalen College, dont l'appartement
était rempli d'instruments de musique : Mr
SAUL apprenait la grosse caisse. Elle prit le violoncelle et
CARROLL alla dénicher un peigne et du papier de soie pour
s'en faire un mirliton. La gigantesque cacophonie qui s'ensuivit
reste l'une des seules performances musicales connues de
CARROLL.


Charles DODGSON vivait à Oxford dans
la partie du collège de Christ Church appelée "Tom
Quad". Les toits étaient plats et accessibles depuis le petit
atelier de photographie qu'il avait fait installer au dessus de ses
appartements.
Parfois, il emmenait ses petites invitées jouer à cache-cache
parmi les cheminées, après quoi ils observaient Oxford et ses
minuscules habitants :
"Nous considérions les foules dégantes qui revenaient des
Courses avec un mépris mêlé de compassion."
L'un des grands jeux était de monter à la Tour voir "Great
Tom", la grosse cloche du collège. L'une de ses amies-enfants se
souvient :
"Un jour, il m'autorisa à la frapper avec un gros marteau, ce qui
produisit un bruit formidable dont l'écho intrigua sans doute grandement
les habitants d'Oxford"
La surprise dut être d'autant plus grande que cette cloche, qui encore
aujourd'hui rythme la vie du collège, ne résonnait en principe que
toute les heures. De plus 101 coups retentissaient chaque soir à 9heures
10 précises.
Dans une lettre adressée aux petites Mary et Florence CROFTS, CARROLL
donne la transcription des six harmoniques qui composent la cloche et termine
par ces mots :
"Imaginer ne pas être là pour l'entendre, vous procure
instantanément une sensation d'apaisement."
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"Ecouter agréablement un opéra vous prend trois heures et
demie. Supposez que je puisse le faire, et y prendre plaisir, en une demie
heure. Et bien, je peux écouter sept opéras pendant que vous
n'assistez qu'à un seul."Toujours dans "Sylvie et Bruno",
il poursuit en imaginant qu'après avoir trop remonté le ressort
d'une petite boîte à musique, l'air entier se déroule en
trois secondes (toutes les notes ayant été jouées).
Isa BOWMAN, l'une de ses principales amies-enfants raconte:
"Il avait sûrement la plus jolie collection de boîtes
à musique qui soit au monde. C'étaient de grosses boîtes
noires en ébène aux couvercles de verre, à travers lesquels
on pouvait voir le mécanisme. Il y avait une grande boîte noire
avec une manivelle, qui était assez dure à tourner pour une petite
fille et il devait y en avoir vingt ou trente petites ne pouvant jouer qu'un
seul air.
Parfois, l'une des boîtes à musique ne jouait pas correctement,
ce qui me contrariait toujours énormément. Oncle Charles allait
alors chercher dans le tiroir de sa table une boîte de petits tournevis et
il dévissait le mécanisme en ôtant les rouages afin de voir
ce qui ne marchait pas. Il devait être fort en mécanique, car le
résultat était toujours le même : après un ou
moins long moment, la musique reprenait.
Parfois, lorsque les boîtes à musique avaient joué toutes
leurs mélodies, il les faisait marcher à l'envers. Il était
aussi ravi que moi de l'effet comique de ces musiques la tête en bas',
comme il disait."
Le 9 Septembre 1880, CARROLL, qui adore les nouveautés, commande une
Orguinette qu'il reçoit deux jours plus tard à Eastbourne. A
partir de ce jour, l'Orguinette prit place parmi les attractions (Ours
mécanique, puzzles, miroirs déformants, chauve souris volante...)
qu'il apportait pour l'amusement de ses petites invitées.
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L'Orguinette jouait des rouleaux de papier. Un jour, il commanda douze
douzaine de ces rouleaux et leur donna des titres pour rendre la
sélection plus aisée. Il écrivit une liste d'instructions
pour faire marcher l'Orguinette et raconta à quelques unes de ses amies-
enfants que l'instrument devait être nourri de mélodies de papier,
et ce, à raison d'une douzaine par jour. Il levait et rabaissait le
couvercle pour améliorer le son. Son air favori, avec lequel il
débutait chaque concert était "Santa Lucia". |
Dans "La Visite d'Isa BOWMAN à Oxford", Lewis CARROLL
écrit :
 |
"Le samedi, Isa prit une leçon de musique et
apprit à jouer d'une Orguinette américaine. Ce n'est pas un
instrument très difficile étant donné que vous n'avez
qu'à tourner la manivelle : vous mettez dedans une longue bande de
papier qui passe à travers le mécanisme et tes trous du papier
font marcher les différentes notes. Ils le mirent d'abord par le mauvais
bout et cela joua à l'envers et ils se retrouvèrent bientôt
à l'avant-veille. Aussi n'osèrent-ils pas poursuivre de peur de
rajeunir tellement Isa qu'elle ne sache plus parler. " |
Depuis son enfance, Charles DODGSON était atteint de surdité
à l'oreille droite. Il parlait d'une voix assez haut perchée et
aimait chanter. Les après-midis avec les petites sœurs LIDDELL
était l'occasion de nombreuses chansons. Robinson DUCKWORTH, qui
était présent lors de la fameuse promenade sur la rivière
et que l'on retrouve dans "Alice" sous les traits du Canard, avait une
très belle voix. Il était membre de la Choral Society d'Oxford
à laquelle DODGSON adhéra à son tour dès 1857. La
qualité du chant semblait être un critère important pour
DODGSON. Son Journal est truffé de critiques de concert portant surtout
sur les voix des chanteurs. Après avoir assisté à un
service religieux dans l'église de Eryholme il écrit :
"Je n'aurais jamais cru que l'on puisse entendre quelque part d'aussi
épouvantables voix ; elles provenaient des gorges de deux
très vieux messieurs, l'un avait un soupçon de justesse dans son
chant, l'autre pas l'ombre d'un."
Il était d'autre part agacé par l'utilisation des
églises comme lieux de concerts. Il refuse ainsi le 20 mars 1857 de se
rendre à la Cathédrale où la "Passion" de BACH
était joué devant 1200 personnes et publie un pamphlet "The
Vision of the Three T's" contenant une chanson "Bachanalian Ode"
en référence à cet événement. Il s'agit
également d'une parodie de la chanson "Here's to the Maiden of
Bashful Fifteen" tiré de la pièce de SHERIDAN "l'Ecole
de la Médisance" à laquelle il venait d'assister.
 |
Septembre 1862, deux mois après la création
d'"Alice", Charles DODGSON compose avec le concours de deux de ses
sœurs, au cours d'un séjour dans la maison familiale de Croft, une
curieuse chanson. C'est un pot-pourri qu'il intitule "Miss Jones" et
dont les 21 différents airs se succèdent
l'un l'autre. Les paroles de quelques unes de ces chansons
populaires y sont de plus parodiées. |
The Captain and his whiskers' |
'Tis a melancholy song. and it will not keep you long,
Tho I specs it will work upon your feelings very strong,
For the agonising moans of Miss Arabella Jones
Were warranted to melt the hearts of any paving stones.
Simon Smith was tall and slim, and she doted upon him, |
Willow we have missed you' |
But he always called her Miss Jones - he never got so far,
As to use a christian name - it was too familiar.
When she called him "Simon dear" he pretended not to hear,
And she told her sister Susan he behaved extremely queer, |
Cherry ripe' |
Who said, "Very right! very right! Shews his true affection
If you'd prove your Simon's love follow my direction. |
Katie's letter' |
I'd certainly advise you just to write a simple letter,
And to tell him that the cold he kindly asked about is better. |
Irish Emigrant' |
And say that by the tanyard you will wait in loving hope, |
Annie Laurie' |
At nine o'clock this evening if he's willing to elope
With his faithful Arabella." |
Irish Jig' |
So she wrote it & signed it, & sealed it,
& sent it,& dressed herself out in her holiday things
With bracelets & brooches, & earrings. & necklace,
a watch, & an eyeglass, & diamond rings,
For man is a creature weak and impressible, thinks such a deal
of appearance, my dear. |
Wait for the Waggon' |
So she waited for her simon beside the tanyard gate,
regardless of the pierman, who hinted it was late. |
Oft in the stilly night' |
Waiting for Simon, she
coughed in the chilly night, until he tanner found her,
And kindly brought a light old coat to wrap around her.
She felt her cold was getting worse, |
Lucy Long'
(Take your time Miss Lucy Long) |
Yet still she fondly whispered,
"Oh, take your time,
my Simon, although I've waited long. |
Reuben Wright' |
I do not fear my Simon dear will fail to come at last,
Although I know that long ago the time I nammed is past. |
Oh! Charming May' |
My Simon! My Simon! Oh, charming man! Oh, charming man!
Dear Simon Smith, sweet Simon Smith."
Oh, there goes the church-clock, the town-clock, the station-
clock and there go the other clocks, they all are striking
twelve! |
Oh weel may be Real row' |
Oh, Simon, it is getting late, it's very dull to sit and wait.
And really I'm in such a state, I hope you'll come at any rate, |
So early in the morning' |
quite early in the morning, quite early in the morning. |
Some love to roam' |
Then with prancing bays & yellow chaise, we'll away to Gretna Green. |
I will marry my own love' |
For when I am with my Simon Smith -
oh, that common name! Oh that vulgar name!
I shall never rest happy till he's changed that name,
but when he has married me, maybe he'll love me to that degree,
that he'll grant me my prayer
And will call himself "Clare" |
The girl I left behind me' |
So she talked all alone, as she sat upon a stone,
Still hoping he would come and find her, and she started most unkimmon,
When instead of darling "Simon" twas a strange man that stood behind her, |
The perfect cure' |
Who civilly observed Good evening, M'am,
I really am surprised to see that you're out here alone,
For you must own from thieves you're not secure.
A watch, I see. Pray lend it me (I hope the gold is pure). |
The Minstrel Boy' |
And all those rings, & other things
Dont scream, you know for long ago
The policemen off from his beat bas gone. |
Beautiful Rhines' |
In the kitchen--"
"Oh, you desperate villain! Oh you treacherous thief!"
And these were the words of her anger and grief. |
Rule Britannia' |
"When first to Simon Smith I gave my hand I never
could have thought he would have acted half so mean as this,
And where's the new police? Oh Simon, Simon! how
could you treat your love so ill?"
They sit and chatter, they chatter with the cook, the
Guardians, so they're called, of public peace.
Through the tanyard was heard the dismal sound, "How
on earth is it policemen never, never, never, can be found?" |
Il envoie ce pot pourri à M. YATES qui lui répond
bientôt que la chanson lui plaît et qu'il va
bientôt l'inclure dans le numéro qu'il doit donner
à l'Egyptian Hall.
Quelques semaines plus tard, DODGSON note dans son journal
qu'il s'est rendu à l'Egyptian Hall mais que "Miss
Jones" ne fait pas encore partie du numéro.
En fit-elle jamais partie ? C'est peu probable. Comment,
en effet, expliquer autrement les tentatives
régulières que DODGSON fit, dix années
durant, pour la faire chanter en public :
- Juin 1863 : John Orlando PARRY (1810-1879) chanteur et
homme de spectacle lui retourne sa chanson avec ses remerciements.
Il la trouve "subtile" mais dit "qu'il ne veux pas
de chanson de ce style pour l'instant."
- Mars 1867 : Mr Thomas COE (1822-1886) acteur,
régisseur associé au Haymarket Theatre lui
écrit qu'"il la trouve amusante et que si l'un de ses
garçons y arrive, il l'introduira dans le
spectacle."
- Juillet 1881 : Georges GROSSMITH (1847-1912), chanteur
très apprécié par DODGSON qui se rendait
fréquement à ses concerts, lui écrit qu'il
regrette de ne pouvoir l'utiliser : medley habilement
composé mais hélas un peu démodé
à présent."
Et pourtant cette chanson a bien été
chantée au moins une fois et ceci devant le meilleur public
que DODGSON pouvait souhaiter :
Le 1er Mai 1863, enfin rétablie d'une entorse, Alice
LIDDELL eut la permission de partir en promenade sur la
rivière avec ses deux sœurs et leur gouvernante. DODGSON
raconte :
"DUCKWORTH et moi avons descendu la rivière en
compagnie des trois LIDDELL et de Mrs PRICKET. Nous ne sommes pas
allés tout à fait jusqu'à l'île, nous
contentant de ramer de ci, de là en faisant exécuter
quelques chansons par les enfants. Pour varier les plaisirs, je
leur ai chanté "Miss Jones".
Ce jour-là, Charles DODGSON, qui était
habituellement atteint de bégaiement, dut se sentir
particulièrement à l'aise en cette compagnie pour se
lancer ainsi dans une si longue chanson. Il est vrai que,
près d'un an auparavant, devant sensiblement le même
équipage, il avait improvisé les "Aventures
d'Alice sous terre" avec ce formidable talent de conteur qui
était le sien.
Silhouette de Charles à l'âge de 8 ans |
Il faut dire que, sa vie durant, DODGSON se mit
régulièrement en situation de représentation.
A commencer par ce petit théâtre de marionnettes avec
lequel, enfant, il distrayait ses sœurs et pour lequel il
écrivit "La Guilda di Bragi", un petit
opéra-bouffe en 3 actes. Déjà le don de
Charles DODGSON pour la parodie transparaît à travers
cette petite farce familiale. Parmi les nombreuses chansons
parodiées, on retrouve "Long long ago" et"
Auld Lang Syne".
En 1856, au début des vacances de Noël, DODGSON, qui
avait alors 24 ans, se rendit à Londres et choisit une
Lanterne Magique avec des vues pour l'école de Croft. Il
acheta aussi des jouets qui furent distribués lors de la
fête de l'école. La représentation dura deux
heures et demie devant le plus vaste public qu'il aie jamais
eu : environ quatre-vingts enfants auxquels s'était
joint un groupe nombreux et varié d'amis et de
domestiques : quarante sept vues ainsi qu'un commentaire, et
treize chansons, dont six qu'il interpréta seul. Le
lendemain, il y eu une nouvelle représentation enrichie
d'imitations, "pour rendre le spectacle encore plus
attrayant".
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A plusieurs autres reprises, dans les années qui
suivirent, il participa à de petits spectacles
privés joués par des enfants. Il écrivit
ainsi successivement des chansons pour "Barbe-Bleue",
"Whittington and his cat", "Le Chat
Botté" et une chanson sur l'air de "Early in the
morning".

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